Les fêtes de la Salette, une tradition depuis 1859
Église Sainte-Ruffine
Les reliques de Saint-Ruffine (Rufina) sont un don de l’Abbaye de Marquette – diocèse de Cambrai – au premier Évêque de La Réunion, Julien Florian Desprez. Elles sont alors destinées à l’église de Saint-Leu dont la construction se termine en 1858, après un contre temps de plus de 60 ans.
Le 15 décembre 1777, une ordonnance édicte le lieu-dit « Repos Laleu » en paroisse. Ce lieu-dit correspond aux limites de l’actuelle ville de Saint-Leu qui faisait jusqu’alors partie intégrante du « quartier Saint-Paul ». La municipalité de Saint-Leu est érigée en août 1790 : une des conséquences de la Révolution française étant la création de communes sur la base des paroisses existantes.
Les travaux de l’église démarrent en 1790 avec des maçons exclusivement indiens car maîtrisant la pierre de taille. Mais une fois les fondations terminées, la petite bourgade n’a plus les moyens de continuer le chantier. Pour servir aux cultes en attendant, la chapelle latérale est édifiée en 1791. Le chantier de l’église ne prendra fin qu’en 1858. L’histoire raconte que les ornements et objets sacrés de l’église ont été obtenus en échangeant 52 balles de café envoyées en France.
Principales caractéristiques : en forme de croix latine, clocher au piètrement octogonal, vitraux en dalles de verre, toiture à longs pans avec 24 000 bardeaux.
Une chapelle construite en guise de promesse
En mars 1859, une épidémie de peste et de choléra frappe La Réunion. Dès le 10 avril, le Père Saissac, curé de Saint-Leu, fait publiquement la promesse d’ériger une chapelle en l’honneur de Notre-Dame de La Salette pour que ses paroissiens soient épargnés du fléau. Tout un symbole pour ce prêtre ordonné le jour-même de l’apparition de la Vierge à la Salette en Isère, le 19 septembre 1846.
Tous adhèrent à cette promesse. Chaque habitant apporte main-d’œuvre ou fonds, selon ses moyens. Les paroisses voisines et certaines de l’île Maurice s’associent à la construction commencée. Même des matelots bretons se cotisent pour embellir le sanctuaire.
Deux mois plus tard, la chapelle est érigée sur le flanc de la colline. L’épidémie, qui a fait 2 700 morts sur l’île, s’est arrêtée aux portes de la ville. Aucun habitant de Saint-Leu n’en a été victime.
Une organisation dans la tradition
Les fêtes de la Salette répondent à une organisation traditionnelle bien rodée. L’apogée étant le 19 septembre, la date anniversaire de l’apparition de Notre-Dame de la Salette en Isère en 1846.
Les fêtes démarrent le premier dimanche du mois de septembre avec le pèlerinage des malades.
Les neuvaines se font durant les neufs jours précédant la date apogée, soit du 10 au 18 septembre. Elles consistent notamment à trois messes quotidiennes suivies du chemin de croix ou du chapelet.
La soirée du 18 septembre est consacrée à la « messe de la veillée » suivie de la fameuse « Procession aux flambeaux ».
Le 19 septembre, des milliers de fidèles de toute l’île se déplacent pour assister à la messe présidée par l’Évêque lui-même.
Des miracles reconnus
Les circonstances de la construction de la chapelle de Notre-Dame de la Salette lui confèrent le statut de lieu de miracle dès son origine. Un statut qui n’a jamais cessé de se confirmer depuis 1859.
En 1871, l’Église reconnaît déjà un premier miracle. Puis un second en 1899 : celui d’un garçon de 11 ans paralysé des jambes.
Mais au-delà de la reconnaissance de l’Église, la ferveur populaire et la foi dans les vertus de guérison de Notre-Dame de la Salette n’ont jamais faibli. Chaque année, ce lieu de pèlerinage attire environ 100 000 personnes portées par l’espoir d’obtenir des « grâces ».
Coutumes locales
Sentiers de pèlerinage
Pour beaucoup, le pèlerinage démarre depuis leur quartier de résidence. Ils rejoignent la Salette à pied, de jour comme de nuit. Ils viennent de Saint-Louis, Étang-Salé, la Chaloupe, des quartiers de Barrage et de la Saline (Ville de Saint-Paul) … C’est ainsi que perdurent jusqu’à nos jours, des sentiers reliant ces villes et quartiers au centre-ville de Saint-Leu.
Don d’eau et de nourriture
Cette pratique donne lieu à une autre tradition tout aussi ancrée. Les fidèles résidant la commune de Saint-Leu préparent des repas et de l’eau sucrée qu’ils offrent aux pèlerins venus de loin.
Origine de Notre-Dame de la Salette
Le samedi 19 septembre 1846, sur une montagne proche du village de la Salette-Fallavaux, deux jeunes bergers, Mélanie et Maximin disent avoir vu apparaître une « belle dame » dans une lumière resplendissante. En pleurs car se plaignant de l’impiété des chrétiens, elle leur confie de transmettre un message de conversion à « tout son peuple ».
La nouvelle se répand rapidement. Des fidèles affluent sur le site de l’apparition et confirment des miracles. Cependant, plusieurs contestations s’élèvent au sein même de l’église. Au bout de 5 années d’enquêtes et de polémiques, l’évêque de Grenoble, Mgr de Bruillard déclare l’apparition de la Vierge certaine. Il autorise le culte de Notre-Dame de la Salette. L’opposition ne disparaît pas. L’évêque démissionne. La papauté ne s’engage pas.
Pour autant, la première pierre d’une grande église est posée sur la montagne de la Salette en mai 1852. Elle est promue au rang de basilique quelques années plus tard.
Une forte appropriation locale
Le sanctuaire de Notre-Dame de la Salette à Saint-Leu connaît une appropriation populaire sans pareil depuis son origine. Cette « naturalisation » locale s’expliquerait par le transfert de la dévotion que les Indiens – arrivés du Tamil Nadu au milieu du XIXe S – portaient déjà à « Notre Mère de la Bonne Santé » – Vailaganni ou Velankanni -.
Notre-Dame de la Bonne Santé (tamoul : ஆரோக்கிய அன்னை Ārōkkiya annai), Velankanni, Tamil Nadu, Inde
La tradition orale fait état de trois apparitions de Marie dans le village de Velankanni au XVIe (vers 1580) et XVIIe S. La première concerne un jeune berger qui livrait du lait dans le village. Des navigateurs portugais, sauvés d’une tempête au large du Golfe du Bengale à cette même époque, attribuent le miracle à Notre-Dame de Velankanni.
Aussi, la Basilique édifiée sur le site de l’apparition est à l’initiative commune des Portugais et des Indiens. La représentation de la Vierge y est emblématique et unique car vêtue d’un sari.