Au commencement était… le port
1879-1895, la ville née d’un port
En 1873, la grande plaine inhabitée de la Pointe des Galets est choisie pour implanter un vrai port destiné à remplacer le système rudimentaire des marines.
La construction du port, démarrée en 1879, mobilise des milliers d’ouvriers appelés les « pionniers du désert ». Ils s’installent dans des cases ou paillotes de fortune à proximité des chantiers. La ville remplace peu à peu le désert. Le port de commerce est inauguré en 1886. Dix ans plus tard, la Pointe des Galets se détache de la commune de La Possession pour devenir une commune à part entière : Le Port. Tous les équipements – mairie, gare, marché, cinéma, église, école – sont construits pour les besoins de cette population. La classe ouvrière prédomine, les habitants étant essentiellement dockers, ouvriers ou cheminots. Le Port devient naturellement le berceau du syndicalisme réunionnais.
Entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, Le Port est le lieu de passage obligé. Le port est le trait d’union entre La Réunion et le reste du monde. Le chemin de fer fait le lien entre Le Port et le reste de l’île.
À partir de 1960, Le Port n’est plus l’unique point d’entrée
En 1930, la piste de l’aérodrome commercial de La Réunion, baptisé « Colonel Dagnaux », est construite sur le territoire portois, à l’emplacement de l’actuel nouveau port. Le port n’est plus le seul point d’entrée sur l’île. L’avion remplace le transport maritime des passagers. L’automobile remplace le chemin de fer à partir des années 1950-1960. Le nouveau plan de circulation contourne la ville. Enfin, la départementalisation provoque un profond bouleversement des structures économiques et sociales de l’île.
1971-1982, La reconquête
Dès 1971, l’équipe municipale en place fait le pari d’un aménagement global urbain dynamisant. Elle adopte le plan d’urbanisme directeur. Il s’agit de reconnecter la ville aux grands axes routiers, de reconquérir la façade maritime et de modifier le climat désertique par la végétalisation de la ville. La municipalité engage les travaux d’adduction d’eau, d’assainissement et d’amélioration des conditions d’habitat. Le premier programme de résorption de l’habitat insalubre de l’île se fait au Port. De nombreux et ambitieux équipements sportifs, scolaires et culturels sont construits.
À partir des années 1980, rupture entre le port et Le Port
Les années 1980 et 1990 sont celles du défi de la reconversion économique : nouveau port, zones industrielles et zones d’activités. Les secteurs sont fortement diversifiés : technologie, information, images, son, formation. Le Port se trouve ainsi conforté dans son rôle de pôle économique majeur.
Cependant, le nouveau port construit à l’Est du territoire communal prend une dimension n’ayant plus aucune mesure avec celle de la ville. Il devient le troisième port français pour le volume de conteneurs traités et le seul port de France à cumuler les cinq fonctions de gare maritime, port de commerce, base navale, port de plaisance et port de pêche. La clôture érigée entre la ville et son port historique matérialise la rupture. La ville doit apprendre à vivre sans son espace portuaire historique.
Parallèlement, la Ville engage un ensemble de réalisations qui renouvelle le paysage urbain. Le parc boisé est construit sur la savane. Les travaux d’endiguement de la rivière des Galets permettent de récupérer des portions de berges. Le port de plaisance est étendu et modernisé. L’aménagement des zones d’activités économiques se poursuit.
Tous ces événements bouleversent l’organisation sociale et traditionnelle de la cité maritime. Une nouvelle logique économique s’impose, accentuée par le transfert des activités de l’ancien vers le nouveau port. Le centre-ville perd de son attractivité. La municipalité se trouve dans l’obligation de résorber l’habitat insalubre. C’est ainsi que la ville se développe en périphérie de la première couronne.
Hôtel de Ville
La Commune du Port est créée le 22 avril 1895. Dans un premier temps, les services de la mairie s’installent dans une modeste case. À partir de 1903, les services municipaux occupent « l’Hôtel du Port », rue Évariste de Parny. Le bâtiment de la mairie, à son actuel emplacement, est inauguré à la fin de l’année 1911 et achevé en mars 1913.
Au début des années 1950, le maire, Léon de Lépervanche, décide de faire restaurer la mairie. Le cabinet d’architecte Jean Bossu est choisi pour remplacer le toit (bardeaux) et le parquet (bois) par des dalles en béton. La cour arrière est alors consacrée aux meetings et bals populaires.
Dans les années 1970, le bâtiment prend un étage supplémentaire. Durant la décennie suivante, la façade est modifiée. Le projet d’agrandissement est lancé en 2008. La nouvelle mairie comprend un nouveau bâtiment construit sur la plate-forme arrière.
1905
1911-1954
La place des Cheminots
Au début du XXe siècle, la voie ferrée passe à cet emplacement. Le cyclone de 1948 ravage les paillotes des ouvriers et employés du CPR. Le personnel est relogé dans de petites maisons construites sur un terrain en friche entre la rue des Volontaires (actuelle rue Léon de Lépervanche) et la gare.
50 ans plus tard, l’espace est rendu vacant pour y aménager un espace public. Il accueille le marché forain à partir de l’an 2000.
L’esplanade est baptisée « Place des Cheminots » en hommage aux travailleurs du chemin de fer.
Chemin de fer
Les axes majeurs de la ville d’aujourd’hui correspondent au tracé du chemin de fer inauguré le 11 février 1882. À partir de la suppression du chemin de fer, officialisée le 6 avril 1956, les rails sont arrachés et/ou recouverts par le bitume. Mais le tracé demeure intact.
Le chemin de fer est très lié à l’histoire du Port.
D’abord parce que, à la fin du XIXe siècle, la construction du port et celle du chemin fer sont interdépendantes. Les rails s’étendent même jusqu’au bout des docks.
Ensuite, Léon de Lépervanche, maire du Port de 1945 à 1961 et député, est un cheminot. Il organisait les luttes syndicales en se déplaçant en train.
Sur la ville du Port, les voies routières d’aujourd’hui suivent les tracés du chemin de fer.
Église Sainte-Jeanne d’Arc
Le projet de construire une véritable église au Port émerge en 1892 suite à une pétition de la population. La première pierre est posée en 1903, le chantier démarre en 1904. La nef se termine en juillet 1905. Le révérend-père Meillorat est l’architecte de l’église construite en matériaux locaux : basalte, moellon et pierre de taille.
Cependant, la charpente métallique, arrive par bateau – Ville de Majunga – en novembre 1907 seulement. Bien qu’inachevée, l’église est inaugurée une première fois le 6 janvier 1908 par l’abbé Pascal, vicaire général, jour anniversaire de la fête de Jeanne d’Arc.
Les murs du transept et du chœur sont achevés à la fin de l’année 1913 et une nouvelle inauguration a lieu le 5 avril 1915.
Au fil des décennies, l’église connaît plusieurs transformations : pose du carrelage en 1933, remplacement de la cure en bois sous tôle en 1964, réfection de la toiture en 1967 et pose de vitraux en 1968. La place de l’église est aménagée dans les années 1970.
En 1995, le clocher est réparé et l’horloge remplacée par une version électronique. Une autre rénovation a lieu 2005.
En 2010, une pierre située sous l’une des voûtes de l’entrée se détache. La commune du Port engage alors des travaux de sécurisation et de rénovation. L’église restaurée est inaugurée en juin 2018.
L’ancien bureau des douanes
Fleuron du patrimoine portois, ce bâtiment est l’une des plus anciennes bâtisses de la ville. Il figure sur le tout premier plan du port de la Pointe des Galets, il lui est même antérieur puisque sa construction s’est faite plus rapidement que celle du port.
Tourné face à la mer, juste au niveau du premier bassin creusé, il fait office de bureau des douanes, puis des services de la Poste. Depuis 1975, il est occupé par des services de la mairie. Il a conservé son cachet d’origine.
Le magasin D5, port Ouest, bassin Émile Hugot
Le magasin D5 a été construit en 1934, en remplacement d’un entrepôt détruit par le cyclone de 1932. Alfred Lebel en est l’architecte, comme plusieurs bâtiments de la Ville du Port construits à la même époque. Lors d’aménagements de l’enceinte portuaire dans les années 1970, le bâtiment est raccourci surtout sur sa façade sud ; D’où son volume cubique, une architecture unique sur l’île.
Le magasin D5 servait à entreposer le sucre destiné à l’exportation.
Les maisons des ingénieurs
Au début de la construction du port de la Pointe des Galets, cinq logements de fonction pour des ingénieurs du CPR (Chemin de fer et Port de La Réunion) sont édifiés. Les plans sont dressés en 1878. Les constructions démarrent dans la foulée pour s’achever en 1879. Elles sont édifiées face au bassin principal, tournées vers la mer.
Les maisons s’ouvrent sur le port et l’océan. Toutes construites selon le même plan, elles possèdent un corps central en maçonnerie, entouré de larges galeries qui font office de varangue. Ces villas s’apparentent à l’architecture coloniale des anciennes dépendances anglaises et françaises.
Trois villas subissent des modifications au milieu du XXe siècle. Les deux, qui ont gardé leur physionomie d’origine, sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 2014.
Quartier Épuisement, Quartier Titan
Dès le début de la construction du port en 1879, les ouvriers, aussi appelés les « pionniers du désert », s’installent dans des baraquements sommaires dans la proximité immédiate du chantier : le quartier Épuisement. Il tire son nom d’un puits situé entre les premiers bassins portuaires et le lit de la rivière des Galets.
À partir de 1883, la compagnie du Chemin de Fer et Port de La Réunion (CFPR) rencontre de graves difficultés liées à la découverte d’un banc de roches très dures large de 30 mètres traversant l’avant-port de part en part.
Pour pouvoir continuer les travaux, la Compagnie installe « Titan », une énorme machine de 3 tonnes montée sur rails, déplaçant les blocs de 120 tonnes de bétons lestés de canons.
À la fin du chantier en 1886, la grue Titan est affectée à la réfection des jetées régulièrement endommagées par les cyclones. Installée sur la jetée sud, elle laissera son nom au quartier voisin.
Cependant, le creusement de la darse de plaisance à la fin des années 1960, entraîne la disparition de la quasi-totalité du quartier Titan jusqu’à la limite du cimetière. Les habitants sont relogés dans un nouveau quartier, plus proche des berges de la rivière des Galets, le quartier « satec ».
Le Grand Marché
Le marché en bois sous tôles construit en 1896 est détruit par le cyclone de 1932.
En décembre 1934, le nouveau marché couvert ouvre ses portes. Il a une vocation régionale, tout l’Ouest de l’île venant s’y ravitailler. Il est aussi un haut-lieu de la vie portoise. Il accueille des meetings politiques, des bals populaires, du cinéma en plein air et du théâtre.
Il fait l’objet d’une rénovation en 1970. Malgré son fronton caractéristique, il ne cessera de décliner durant les décennies suivantes, notamment à cause de la généralisation de marchés forains.
En 2018, le Grand Marché ouvre à nouveau ses portes au public. La requalification des activités et la rénovation sont portées par la municipalité dans l’objectif d’une redynamisation de son centre-ville.
Rond-point Butte citronnelle
À l’origine, la Butte Citronnelle est un petit quartier constitué de sable noir, de touffes de bois de lait et de paillotes. Il désigne aujourd’hui le rond-point situé au début de l’avenue du 14 juillet 1789.
Cependant, la Butte Citronnelle reste un lieu emblématique de l’histoire du Port pour avoir été le théâtre de deux épisodes marquants.
Le 30 mars 1919
Le navire « Madonna » arrive au port de la Pointe des Galets. Dans ces cales, en guise de lest, de la terre prélevée dans le vieux cimetière des pestiférés de Dakar, remplie de germes de la terrible grippe espagnole. Le Port est, de fait, la première ville touchée par l’épidémie : plus de 7% des Portois sont emportés par la grippe espagnole. Un cimetière dédié aux victimes de l’épidémie est édifié sur un terrain d’un demi-hectare à cet emplacement.
Le 28 novembre 1942
Le « Léopard », contre torpilleur des Forces Françaises Libres, est en rade de Saint-Denis. Des Portois, Léon de Lépervanche en tête, mènent une guérilla urbaine contre les « troupes pétainistes » du gouverneur basées au port. À 17h06, le Léopard bombarde la vieille batterie du port. Des éclats d’obus atteignent la Butte Citronnelle tuant deux jeunes femmes.
Le parc boisé
En décembre 1971, le nouveau conseil municipal adopte un plan d’urbanisme directeur. La première des cinq priorités consiste à « changer le climat par la végétalisation ». C’est dans ce cadre que la ville entreprend l’aménagement d’un superbe parc de 17 ha dans le quartier du Cœur Saignant.
Ce parc possède environ 150 espèces d’arbres, une cascade et deux îlots : l’arboretum et l’île aux oiseaux. En 2006, les enfants du collège de l’Oasis et de l’école Georges Thiébault conçoivent un parcours botanique avec 12 espèces végétales référencées.
En 2019, la Ville du Port confie à l’artiste Karl Kugel, la conception et la réalisation d’un espace symbolisant les liens avec la ville portuaire de Quelimane au Mozambique – un des ports de départ de nombreux Réunionnais d’origine africaine -. Le moringue s’impose alors naturellement, tant son inscription dans l’histoire et l’usage du site est évidente. L’œuvre proposée est appelée Rond de Cœur Saignant, du même nom que l’emplacement réputé où le moringue se pratiquait au Port jusque dans les années 1960.
Le pont de la rivière des Galets
Le premier pont de la rivière des Galets est construit pour le franchissement des trains du chemin de fer réunionnais en 1882. Il était situé bien plus en aval que le pont actuel, à peu près au même niveau que le pont de l’Axe Mixte. À l’époque, ce pont stratégique permettait de relier, en train, le nord-ouest de l’île au sud.
Le pont métallique de la rivière des Galets est réalisé à la fin des années 1930. Il n’a toujours eu qu’une vocation routière.
Les portes de Mafate
L’inaccessibilité et la géographie particulière du cirque de Mafate lui confèrent la symbolique du paradis perdu. Les remparts du cirque s’ouvrent légèrement par les gorges de la rivière des Galets qui est, de fait, la porte d’entrée naturelle de Mafate.
Les premiers hommes à venir se réfugier dans son cœur, sont les Marrons, des esclaves fuyant leurs conditions de servilité. Après l’abolition de l’esclavage, des « petits blancs » paupérisés viennent aussi s’y installer pour cultiver des terres. Les habitants actuels sont les descendants de ces deux catégories de personnes.
En 1874, le Service Forestier prévoit de reboiser le cirque. Après des années à supporter la pression liée aux menaces d’expulsion, les habitants parviennent à chasser les forestiers.
L’isolement naturel et la difficulté d’accès au cirque font de Mafate un espace protégé qui porte intrinsèquement les valeurs de liberté et de lutte contre l’oppression.
Ce parcours patrimonial est composé de 3 types de supports complémentaires :
- Des bornes sont placées in situ sur les sites identifiés.
- Des panneaux fixés sur les grilles de la mairie du Port présentent brièvement les sites avec un cliché ancien.
- Un livret (contenu présenté ici) apporte davantage d’informations sur ces mêmes sites et propose un circuit de visite.
TCO et Mairie du Port
Recherches, conception, écriture : Geneviève Pothin (Dr en muséologie / Attachée Principale de Conservation du Patrimoine)
Graphisme et scénographie : Pascal Knoepfel / atelier Crayon Noir
Impression, fabrication des supports : RéuniPub